Devinettes aéronautiques

 

La publication du bulletin trimestriel d'information interne de l'aéroclub ASPTT Poitiers (Le Facteur de l'Air), interrompue en 2007, a été relancée en 2015 pour faire passer des messages de sécurité. Etant secrétaire de l'aéroclub à cette époque, je me suis occupé du bulletin mais je me suis rapidement rendu compte que les messages ne passaient pas bien auprès de ceux qui en avaient le plus besoin, sans doute parce qu'ils ressemblaient trop aux textes que l'on trouve dans les manuels.

J'ai alors décider de rendre ces messages plus attrayants en les présentant sous la forme de devinettes. Trois réponses sont proposées dans chaque cas, deux aussi loufoques que possible, la troisième faisant passer en douceur un message de sécurité.

 

 Si d'autres aéroclubs veulent se servir de mes textes, ils sont les bienvenus mais je leur demande d'en indiquer l'origine : "Bulletin Le Facteur de l'Air de l'aéroclub ASPTT-Poitiers n° xxx, date"

 

Liste des sujets traités :

Essais moteur

Décollage vent de travers

Calcul de cap

Dépression météo

Givrage carbu

Interception par un avion militaire

Action du vent en voyage

Panne de badin
Panne de radio


 

Numéro 47, janvier 2017, Essais moteur

 

Vous faites les essais moteur : 1800 tours ; vous passez sur la magnéto gauche, ça chute de 75 tours ; vous repassez sur les 2 magnétos puis vous passez sur la magnéto de droite, le régime remonte à 1800 tours. Vous vous dites :

A – 1800 tours sur une seule magnéto, c'est formidable comme il marche bien ce moteur !

B – Moi, tu sais, je fais les essais moteur par routine sans vraiment regarder le régime. Alors tes histoires de chute ou pas chute, je m'en moque.

C – Je pense tout de suite : danger ! Si le régime ne chute pas avec seulement la magnéto droite, ça peut signifier que la gauche ne coupe pas. Je réduis les gaz et je fais un essai coupure. Il est probable que la coupure ne va pas se produire et que je pourrai retirer la clé du contact sans que le moteur s’arrête de tourner. Il y a donc un risque au parking car le moteur peut partir tout seul à chaud si quelqu'un touche à l'hélice et aussi un risque en cas d’atterrissage en campagne car je serai alors incapable de tout couper avant de toucher le sol. Je rentre donc l'avion au hangar et j'alerte le responsable mécanique.

 

Numéro 48, avril 2017, Décollage vent de travers

 

Vous devez décoller d'un terrain en herbe non contrôlé avec une piste 01-19 de 700 mètres de long. Il existe des obstacles assez élevés de chaque côté au-delà des deux seuils de piste. Le vent est du 100°/20 nœuds. Dans quel sens allez-vous décoller ?

1 – Moi, quand il y a du vent de travers, je ne décolle pas.

2 – Puisque le vent est plein travers, je vais prendre la piste du côté le plus proche du parking, ça fera toujours du temps de roulage en moins.

3 – Pour passer au-dessus des obstacles, j'ai intérêt à monter le plus vite possible. Je sais qu'en raison de la force Coriolis liée à la rotation de la Terre, le vent tourne à droite et se renforce dès qu'on s'élève. Le vent du 100 va donc rapidement passer au 110, puis au 120, puis au 130. J'ai donc intérêt à décoller en piste 19 pour avoir rapidement une composante vent de face.

 

Numéro 49, juillet 2017, Calcul de cap

 

J'ai rêvé cette nuit que j'étais en train de préparer un vol sur Amboise depuis Poitiers mais que, complètement bourré sans doute, je mettais le rapporteur à l'envers, avec le nord en bas. J'ai donc lu cap 210, distance 51 nautiques. Le vent étant du 120, 25 kt à 2000 pieds, j'ai calculé un cap magnétique de 196° et une durée de 30,5 minutes. Toujours bourré, j'ai décollé sans remarquer rien d'anormal mais j'ai tenu mon cap scrupuleusement.

Question n°1 : où me suis-je retrouvé après 30,5 minutes dans les conditions de vol décrites ?

Me rendant compte de mon erreur, j'ai décidé de faire un 180° et de repartir pour deux fois 30,5 minutes au cap de 196 moins 180 = 016°

Question n°2 : le vent restant du 120° 25 kt, où me suis-je retrouvé après 61 minutes ?

Question n°3 : après ma première erreur, quel cap aurais-je dû prendre pour aller à Amboise ?

Il faudra vraiment que je surveille ce que je bois avant d'aller me coucher…

 

Numéro 50, novembre 2017, Dépression météo

 

En préparant un voyage, vous voyez sur les cartes météo que votre trajet vous amène vers une dépression. Que vous dites-vous ?

A – Une dépression ? J'ai intérêt à aller voir mon psy fissa.

B – Moi, je ne vole que par CAVOK. S'il y a une dépression n'importe où en Europe, je rentre chez moi et je vais me coucher.

C – Si vous volez vers une dépression, retenez la règle des 4 D expliquée dans tous les manuels de formation théorique au PPL. Dépression : Dérive Droite, Danger

Explication :

Votre avion va dériver vers la droite puisque les vents tournent dans le sens anti-horaire autour des zones de basse pression (dans l’hémisphère Nord). Il existe donc un danger si vous volez à une altitude indiquée constante (QNH ou niveau de vol) puisque les lignes isobares s’enfoncent à mesure que vous approchez du centre de la dépression : votre altimètre devient donc optimiste !

 

Numéro 51, février 2018, Givrage carbu

 

Vous volez tranquillement lorsqu'il vous semble que le bruit du moteur a changé. Que faites-vous ?

- Rien, moi, je n'entends jamais rien.

- Je continue mon vol comme prévu. Je ne vais quand même pas me laisser emmerder par une mécanique quelconque, non !

- Je regarde le compte-tours. Si le régime a baissé, il y a un risque de givrage du carburateur. Si l'avion est équipé d'une sonde de température du carburateur, je vérifie si l'aiguille du cadran correspondant se trouve dans la plage jaune (risque de givrage). Dans l'un ou l'autre cas, je tire la manette du réchauffage carbu à fond en surveillant si le régime remonte et si la température sort de la plage jaune.

 

Numéro 52, août 2018, Interception par un avion militaire

 

Vous volez tranquillement à 2000 pieds sol, radiale 110 "From" sur le VOR de Poitiers. Soudain vous voyez un Mirage qui bat des ailes un peu au-dessus de vous. Que faites-vous ?

1 – Je lui fais coucou de la main.

2 – Je me rends compte que je suis en train de survoler la centrale nucléaire de Civaux. Je fais un demi-tonneau suivi d'un piqué jusqu'au sol. Je stabilise à zéro mètre d'altitude pour essayer de disparaître de son radar.

3 – Je passe sur 121.5, je bats des ailes et je fais clignoter mes feux pour indiquer "Compris, j'obéis". Puis je suis le Rafale en essayant de perfectionner ma mimique "honteux et confus".

 Réponse publiée dans le n°53 :

La bonne réponse est la réponse 3, bien entendu.

De manière générale, il faut savoir que les signaux d'interception par la chasse sont expliqués dans le Mémo du pilote VFR, page 16 (document FFA), et dans le Guide VFR, pages 97-98 (document DGAC). Curieux, j'ai demandé à un de nos membres, pilote de chasse de son état, ce que ferait le pilote d'un Mirage si un avion intercepté se comportait comme décrit à la réponse 2. Voici sa réponse :

« J'ai bien rigolé en voyant les réponses proposées. Alors que ferait un pilote de chasse si tu décidais de faire un demi-tonneau suivi d'un piqué jusqu'au sol ?... Le pilote ne ferait que rendre compte au centre de contrôle des opérations aériennes. Ma réponse n'est donc pas très sexy... mais je te rassure, nous n'ouvrirons pas le feu sur le courageux qui essayerait une telle manœuvre ! En tout cas, cela me ferait je pense bien rire et me donnerait du fil à retordre pour pouvoir suivre cet avion kamikaze ! »

 

Numéro 53, septembre 2018, Action du vent en voyage

 

Le directeur d'une petite compagnie aérienne ne dispose que d'un seul avion, une trapanelle qui se traîne à 100 nœuds, pour faire la route Portland (Oregon) – Austin (Texas) – Panama – Belém aller et retour. Les affaires ne marchant pas très bien, il veut se débarrasser de deux de ses trois pilotes. Pour choisir celui qu'il gardera, il affecte à chaque pilote l'un des trois tronçons qui sont tous d'égale longueur (environ 1300 Nm). Le premier, Portland – Austin, se trouve dans la zone tempérée où les vents varient de jour en jour en force et en direction. Le second, Austin – Panama, est soumis aux vents alizés, constants en force et en direction tandis que les calmes équatoriaux (pot au noir) règnent dans le dernier tronçon, Panama - Belém. Le directeur (qui n'y connaît rien à la navigation aérienne) annonce aux trois pilotes qu'il ne gardera après un an que celui qui aura parcouru en moyenne son tronçon dans le moins de temps possible.

Quel est le pilote qui est sûr de garder son job ?

 Réponse publiée dans le n°54 :

Celui qui va faire la meilleure moyenne est celui qui assure le tronçon Panama–Belém, sur lequel les vents sont presque toujours nuls. En effet, dans les deux autres tronçons règnent des vents tantôt favorables, tantôt contraires et les vents favorables ne compensent jamais les vents défavorables.

Faites le calcul : si vous volez à 100 nœuds en air calme, il vous faut une heure pour parcourir 100 Nm. Si le vent souffle à 50 nœuds, il ne vous faudra que 40 minutes pour parcourir la même distance si vous l'avez dans le dos, mais il vous faudra 2 heures si vous l'avez dans le nez. Vingt minutes de gagné contre une heure de perdue, y-a pas photo !

 

Numéro 54, décembre 2018, Panne de badin

 

Vous êtes en train de voler tranquillement sur notre DR400 quand une mouche vient se faire aspirer par la prise d'air de votre badin. Que faites-vous :

- Je continue jusqu'au seuil de piste à Poitiers en gardant 2450 tours, puis je réduis tout et je continue à 50 cm du sol en espérant que l'avion se pose avant la fin des 2300 mètres de piste.

- Si je n'ai pas de terrain assez long, je cherche un champ de maïs pour m'y poser en me disant que les tiges finiront bien par me freiner. (Si le maïs est déjà récolté, je cherche un champ semé en blé d'hiver. C'est moins efficace mais ça doit marcher quand même).

- A l'arrivée sur mon terrain, je rejoins visuellement le plan de 5 %, j'affiche environ 1700 tours et je règle l'assiette pour descendre à 350 pieds/minute car je sais que ces paramètres correspondent à une vitesse de 70 nœuds en l'absence de vent. Si j'ai du vent de face assez fort, je sais que ma vitesse sol est réduite et je règle mon assiette pour avoir un vario plus faible, 300 pieds/min par exemple.

Réponse publiée dans le n°55 :

Bien entendu, c'est la troisième réponse qui est correcte mais voici un commentaire de Rémi Tournier : moi, je vole au moins à 500 pieds sol, il n’y a plus aucune mouche qui puisse être aspirée par mon badin. Une recherche sur la grave question du vol des mouches donne des réponses non confirmées par des données solides. La page http://ssaft.com/Blog/dotclear/?post/2011/04/08/Robert-Krulwich-%3A-les-autoroutes-du-ciel-pour-arthropodes est beaucoup mieux documentée et donne des hauteurs de vol bien supérieures. De toute manière Rémi, tu peux avaler une mouche au décollage tant que tu n'as pas atteint 500 pieds. D'autre part, Geneviève Delachaume me dit que son anémomètre a eu un comportement erratique pendant une vingtaine de minutes après la traversée d'une petite zone pluvieuse. Il n'y a donc pas que les mouches.

Numéro 55, février 2019, Panne de radio


Vous avez contacté la tour qui vous dit que vous êtes n° 3 à l'atterrissage, piste 21 et vous demande de rappeler en vent arrière. Vous accusez réception mais quand vous essayez de vous annoncer vent arrière, vous constatez que votre émission ne marche plus. Que faites vous ?
A – Je fais un virage sur l'aile à gauche et je vais me poser à Thouars.
B – Je mets mon transpondeur sur 7600 et je me pose comme précédemment autorisé en assurant ma sécurité et en guettant un éventuel signal lumineux envoyé par la tour.
C - Je coupe mon transpondeur, je pique au ras du sol et je fais le tour de la ville de Poitiers pour venir me faufiler dans la vallée de la Boivre. J'attends que l'attention du contrôleur soit occupée par un avion en finale 21. Je jaillis alors de la vallée et je me pose vent arrière sur le gazon à côté du hangar. Je me dépêche de rentrer l'avion et je rampe jusqu'au club. En remplissant le carnet de route, je mets le nom du chef pilote au lieu du mien : il saura s'expliquer avec la DGAC mieux que moi.

Réponse publiée dans le n° 56 :
La réponse B est la bonne, bien évidemment, mais il faut insister sur le fait que, avant la panne, il y a eu contact avec la tour et autorisation d'atterrissage. Sinon, la seule solution est d'aller se poser sur un terrain sur lequel la radio n'est pas obligatoire, ce qui élimine Châtellerault (carte VAC : AD réservé aux ACFT munis de radio) et même Couhé-Vérac (les ACFT sans radio doivent s'informer auprès de l'ACB avant utilisation). Vous pouvez aller vous poser à Chauvigny en respectant le schéma d'intégration dans un terrain non contrôlé : passage à la verticale 500 pieds au-dessus de l'altitude du circuit (1400 + 500 = 1900 ft à Chauvigny), revenir vers le côté opposé au tour de piste, c'est-à-dire à l'opposé de la branche vent arrière, virer 1 minute après avoir passé par le travers du seuil de piste, descendre de manière à se retrouver en début de vent arrière à 1200 pieds et terminer le circuit de la manière habituelle.